Au printemps 2020, HiiL devait mener une enquête auprès de milliers de personnes à travers le Burkina Faso pour en savoir plus sur les problèmes de justice auxquels elles sont confrontées dans la vie quotidienne et comment elles essaient de résoudre ces problèmes. Malheureusement, l’éclatement de la crise de COVID-19 et les restrictions de voyage imposées ont rendu cela impossible.
La COVID-19 a contraint de nombreuses personnes dans le monde à faire preuve de créativité et d´innovation. Tout comme nous. En effet, afin d´avoir une idée des problèmes de justice au Burkina Faso, nous avons décidé de lancer une enquête en ligne devant être complétée par des répondants recrutés via les réseaux sociaux. Le présent rapport est le résultat de cet exercice. Il vise à répondre aux questions suivantes :
Les données de ce rapport en ligne sont affichées dans des graphiques interactifs. Plutôt que de raconter, nous essayons de montrer. Par conséquent, nous invitons les lecteurs à cliquer sur les graphiques pour voir les différences entre les groupes démographiques par rapport aux différents problèmes. De cette manière, ils peuvent obtenir des réponses à leurs propres questions.
Ce rapport fait partie d’une étude plus large qui doit avoir lieu au Burkina Faso en 2021, où nous entreprendrons une enquête à grande échelle sur les besoins et la satisfaction en matière de justice auprès de milliers de personnes dans le pays. Nous espérons continuer à soutenir l’accès à la justice au Burkina Faso avec de nouvelles données, perspectives et solutions.
Pour mesurer la justice, nous parlons directement à des milliers de personnes. La base de notre méthodologie est de sélectionner des individus au hasard afin que leurs voix représentent l’ensemble de la population d’un pays. Normalement, les enquêteurs formés s’assoient avec les répondants sélectionnés et discutent des problèmes juridiques de la vie quotidienne, de ce que les citoyens font pour les résoudre et s’ils parviennent réellement à résoudre leurs problèmes.
Mais 2020 n’a pas été une année comme les autres. Comme de nombreux autres pays dans le monde, le Burkina Faso a dû fermer ses frontières internationales et imposer des restrictions de voyage pour faire face à la pandémie de COVID-19. Par conséquent, il n’était plus possible de mener l’enquête sur les besoins et la satisfaction des citoyens en matière de justice selon le mode standard de collecte de données en face-à-face.
Il ne nous restait que deux options : attendre jusqu’à ce que les mesures soient levées ou explorer de nouvelles façons de recueillir les données. Poussés par l’impact anticipé de la pandémie sur les besoins des populations en matière de justice, nous avons choisi la deuxième option en décidant de chercher des alternatives pouvant donner une idée sur :
Entre septembre et novembre 2020, nous avons publié des annonces sur Facebook et Instagram, invitant les utilisateurs à participer à une courte enquête. Organisées en deux campagnes, les publicités ont atteint 1,6 million d’utilisateurs, mais certains d´entre eux les ont vues plus d’une fois. Au total, les annonces ont été vues 4,17 millions de fois. En suivant la collecte des données, nous avons découvert qu´il y avait beaucoup plus d´hommes que de femmes utilisateurs de Facebook et Instagram au Burkina Faso.
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02
58% des personnes qui ont répondu à l´enquête ont été confrontées à au moins un problème de justice au cours de la dernière année. En moyenne, ces personnes ont été confrontées à 2,3 problèmes.
Le pourcentage est plus élevé qu’au Mali voisin, où HiiL avait constaté que 39% des personnes avaient connu un problème juridique au cours des quatre dernières années. À titre de comparaison, l`enquête WJP a constaté que 69% des personnes au Burkina Faso ont connu un problème de justice au cours des deux dernières années.
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Nous avons demandé aux citoyens à quels types de problèmes ils ont été confrontés au cours des douze derniers mois. Sélectionnez les différentes données démographiques pour voir les problèmes rencontrés par les différents groupes.
Les trois problèmes les plus courants sont ceux liés aux questions de voisinage, les problèmes liés à consommation et les problèmes d’emploi. L’échantillon biaisé pourrait avoir joué un rôle à cet égard. Par exemple, nous savons d’après les enquêtes JNS dans d’autres pays (y compris au Mali) que les problèmes fonciers sont souvent très courants, mais aussi qu’ils sont plus souvent rencontrés dans les zones rurales. Le WJP utilise une catégorisation différente et fait mention de plus de problèmes car ils couvrent deux ans, ce qui rend les comparaisons difficiles.
Ils ont constaté que les problèmes des consommateurs et ceux liés à l´argent sont les plus répandus au Burkina Faso, suivis des problèmes liés à la communauté, aux services publics et à l’éducation. Les problèmes d’emploi et de voisinage sont moins courants dans leur échantillon.
Pour chaque problème rencontré, nous avons posé deux questions aux répondants :
Si le problème avait été résolu, nous avons également demandé dans quelle mesure la solution était juste et équitable. En sélectionnant des problèmes spécifiques, vous pouvez voir comment les réponses changent en fonction du type de problème.
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En moyenne, les problèmes sont évalués à 5,84 en termes de gravité. Les problèmes considérés comme les plus graves sont les problèmes fonciers et le crime/délit, tandis que les accidents et les problèmes liés à l'obtention de documents d'identité sont considérés comme moins graves.
Près de la moitié des problèmes (47%) ont été partiellement ou complètement résolus. La plupart des problèmes persistent, tandis que près d'un problème sur cinq est complètement abandonné. Les problèmes liés au crime/délit et à l'emploi sont les moins susceptibles d'être résolus.
Ces résultats ne sont pas trop différents de l´enquête WJP, qui a constaté que 39% des problèmes étaient entièrement résolus, 9% persistaient et 52% étaient en cours. Il est intéressant de noter que par rapport aux autres pays africains où HiiL a mené des enquêtes JNS, moins de problèmes sont complètement résolus au Burkina Faso, alors que beaucoup plus sont partiellement résolus.
Complètement | Partiellement | En cours | Abandonné | |
---|---|---|---|---|
Kenya | 36%
| 10%
| 26%
| 28% |
Mali | 38%
| 11%
| 33%
| 17%
|
Moroc |
27%
| 10%
| 34%
| 28%
|
Nigeria |
45%
| 16%
| 24%
| 15%
|
Ouganda |
33%
| 13%
| 21%
| 33%
|
La plupart des personnes qui ont réussi à résoudre leurs problèmes, partiellement ou totalement, ont indiqué que cela n'avait pas abouti à un résultat satisfaisant. Seuls 20% des problèmes résolus sont considérés comme résolus de manière équitable, et 20% sont considérés comme modérément justes. Étant donné que seulement la moitié des problèmes sont résolus, cela signifie qu'environ 20% de tous les problèmes sont résolus d'une manière qui est considérée comme étant au moins modérément équitable.
Jusqu'à ce point de l'enquête, nous avons demandé aux répondants de nous parler de tous leurs problèmes de justice. À l'étape suivante, nous leur avons demandé quels problèmes étaient les plus graves et comment ils s'y prenaient pour les résoudre. La section suivante approfondira ces questions.
03
Si les citoyens ont rencontré plus d’un problème, nous leur avons demandé de choisir le plus grave. Cliquez sur les données démographiques dans le graphique pour voir quels sont les problèmes les plus graves pour les différents groupes de personnes.
Les problèmes les plus graves diffèrent légèrement des problèmes les plus courants identifiés ci-dessus. Les trois problèmes les plus graves sont les problèmes de voisinage, les questions foncières et les problèmes d’emploi. Ainsi, même si les problèmes liés à la consommation des denrées et services surviennent assez fréquemment (ils sont le deuxième problème le plus courant en termes de fréquence), ils sont clairement considérés comme moins graves. En revanche, les problèmes fonciers sont moins fréquents, mais sont généralement considérés comme plus graves.
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83% des répondants ont pris des mesures pour résoudre leur problème le plus grave. Ceci est conforme à ce que nous avons constaté en Éthiopie, au Kenya et en Ouganda. Il est légèrement supérieur au taux du Nigéria (71%), mais inférieur à celui du Mali (91%).
Le pourcentage de personnes ayant pris des mesures varie selon les groupes d’âge. Les personnes entre 18 et 24 ans étant moins susceptibles d’agir que les groupes de personnes plus âgées.
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Cela indique qu’en particulier les problèmes en rapport avec la justice civile – tels que les problèmes liés à la famille, au foncier, à l’emploi, aux dettes entre individus ou au logement – sont souvent négociés entre les parties concernées sans faire appel à une partie tierce.
Malheureusement, ces négociations avec l’autre partie échouent souvent : environ 37% des personnes ont réussi à conclure un accord avec l’autre partie. En même temps, cela signifie qu’un nombre considérable de personnes parviennent à obtenir des résultats satisfaisants sans faire appel au système judiciaire formel.
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Lorsqu’ils font appel à une tierce partie pour tenter de résoudre leur problème, les gens se tournent le plus souvent vers leur réseau social direct : la famille, les amis et les voisins. Comme pour les négociations bilatérales, leur aide est surtout utilisée pour les litiges dans la sphère civile. Pour les crimes/délits et les accidents, la police était la première source d’aide. L´enquête WJP avait également constaté que la plupart des personnes à la recherche d’aide se tournaient vers leurs amis ou leurs familles (65%) et que seul un petit nombre de personnes faisaient appel à un avocat, au tribunal ou à la police.
L’intervention la plus courante proposée par les parties tierces était le conseil (26%), suivi de la médiation du dossier (20%). Les conseils sont le plus souvent donnés surtout par la famille, les amis et les voisins. Les parties tierces ne sont pas toujours d´un grand apport : à la question de savoir ce qu’une partie tierce a fait, la troisième réponse la plus courante est «rien».
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Malgré le fait que les membres de la famille, les amis et les voisins ne soient généralement pas formés en droit ou en résolution de conflits, 47% des personnes ont trouvé que l’un de ces prestataires de solutions informelles était la source d’aide la plus utile pour leur problème juridique. La police, les avocats et les tribunaux ensemble représentent 35%. Il convient de noter que les pourcentages des réponses à cette question sont presque parfaitement comme ceux de la question ci-dessus (qui vous a aidé à résoudre le problème?).
Certaines différences existent entre les hommes et les femmes : les femmes ont tendance à compter le plus souvent sur les membres de leur famille, tandis que les hommes recherchent le plus souvent l’aide de leurs amis et voisins.
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Dans le processus de résolution de leurs problèmes, plus de 90% des personnes déclarent ne rien dépenser ou, du moins, avoir dépensé très peu d’argent et consacré très peu de temps. Il s’agit là d’un indicateur encourageant et conforme aux données de l´enquête WJP, qui montrent que la plupart des gens pouvaient se permettre le processus et ont passé en moyenne trois mois à résoudre leur problème. Toutefois, cela ne signifie pas que le processus est facile : une nette majorité de personnes (88 %) déclarent avoir vécu un stress important ou très important quand ils essayaient de résoudre leur problème de justice.
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En moyenne, les répondants évaluent leur processus sous 2,00 pour toutes les dimensions; ce qui est très faible, également en comparaison avec d’autres pays.
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04
Si les gens n’ont été confrontés à aucun problème de justice au cours de la dernière année, nous leur avons demandé d’anticiper et de considérer les chances de connaître différents types de problèmes juridiques au cours de l’année à venir. La plupart de ces personnes ne s’attendent pas à rencontrer un problème juridique au cours des douze prochains mois. On pense que les problèmes liés à l’endettement et à l’argent, les problèmes de consommation et les problèmes fonciers sont les plus susceptibles de se produire, mais seulement une personne sur dix estime que cela est réellement probable. Il est à noter qu´aucun des répondants ne pensait qu’il y avait des chances qu’ils soient victimes d’un crime/délit.
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05
Dans le présent rapport, nous avons présenté les résultats d’une enquête en ligne sur les problèmes de justice auxquels sont confrontés les citoyens au Burkina Faso. Les résultats indiquent que 58% des personnes interrogées ont rencontré un problème de justice. En moyenne, ils ont été confrontés à 2,3 problèmes de justice au cours de la dernière année. Les problèmes les plus courants sont ceux liés aux questions de voisinage, les problèmes liés à la consommation des biens et services ainsi que les problèmes d’emploi.
Près de la moitié de tous les problèmes ont été partiellement ou complètement résolus. Il s´agit là d´un signe encourageant concernant le système judiciaire au Burkina Faso. Toutefois, cela signifie également que plus de la moitié des problèmes ne sont pas résolus. Un tiers des problèmes persistent et un problème sur cinq est abandonné. Cela suggère l’existence d’un manque considérable d´accès à la justice au Burkina Faso.
La plupart des gens qui ont été confrontés à un problème juridique ont pris des mesures pour résoudre leur problème le plus grave. La majorité des répondants ont parlé directement à l’autre partie, en particulier dans le cas de problèmes liés à la justice civile. Environ 37% de ces personnes ont réussi à résoudre leur problème de cette manière.
Lorsqu’ils engagent une partie tierce, la plupart des gens se tournent vers quelqu’un de leur réseau social : famille, amis ou voisins. La seule exception à cette règle est le crime/délit et les accidents, où les gens recherchent principalement l’aide de la police. Dans la plupart des cas, les répondants ont reçu des conseils de ces tierces parties. Malgré la nature informelle de ces prestataires de justice, ils sont souvent considérés comme la source d’aide la plus utile.
La plupart des gens n’ont rien dépensé ou peu d’argent et consacré peu temps au processus de résolution. Bien que cela soit en fait un signe prometteur, une grande majorité de personnes ressentent beaucoup de stress à cause de leur problème de justice. Les évaluations du processus de règlement des différends sont également pour la plupart négatives.
Cette étude a fourni de précieuses leçons en ce qui concerne la collecte de données sur la justice dans un environnement compliqué et restrictif. Il montre les avantages et inconvénients d’une collecte rapide de données à partir d’un échantillon aléatoire non systématique d’usagers de la justice dans un pays où seule une partie limitée de la population, avec des caractéristiques démographiques spécifiques, a accès à Internet. Qu’est-ce que cela signifie-t-il en termes de valeur de ces types d’études?
Malgré les limites évidentes de la non-représentativité, les données livrent un aperçu du paysage de l’accès à la justice au Burkina Faso. Les comparaisons avec les données de l´enquête WJP montrent certaines différences, mais aussi d’importantes similitudes dans les principaux résultats. Cette étude peut servir de directive pour les besoins de justice de l’ensemble de la population du Burkina Faso. Les études complémentaires peuvent l’utiliser comme référence ou comme base pour affiner leurs théories, méthodes et résultats. De telles études peuvent également éclairer davantage les forces et les limites de l’approche méthodologique actuelle.
De plus, bien que l’échantillon soit biaisé, les citadins jeunes et instruits constituent un groupe dynamique et important et l’étude nous indique quels sont les besoins de justice de ce groupe et comment ils font face à ces besoins. Nous pouvons voir combien et quels problèmes sont résolus et lesquels ne le sont pas. Ces connaissances peuvent informer directement les décideurs et les prestataires de services sur ce qui peut être fait pour améliorer les services de justice pour cet important groupe démographique.
L’objectif principal de HiiL est de mieux comprendre le fossé dans l´accès à la justice au Burkina Faso et de soutenir le développement et la mise en œuvre de solutions conviviales. À cette fin, au cours de l’année à venir, nous nous appuierons sur cette étude et effectuerons davantage de recherches sur les besoins en matière de justice des citoyens au Burkina Faso.
Dr. Jelmer Brouwer, responsable de l’analyse des données et des rapports
Armi Korhonen, conseillère du secteur de la justice
Dr. Martin Gramatikov, Directeur Mesurer la justice
Manasi Nikam, responsable de la gestion des connaissances
Prof. Dr. Maurits Barendrecht, Directeur Recherche & Développement
HiiL (Institut de La Haye pour l’innovation juridique) est une entreprise sociale consacrée à une justice conviviale. Cela signifie une justice facile d’accès, facile à comprendre et efficace. Nous veillerons à ce que d’ici 2030, 150 millions de personnes soient en mesure de prévenir ou de résoudre leurs problèmes juridiques les plus urgents. Pour ce faire, nous stimulons l’innovation et déployons ce qui a fait ses preuves. Nous sommes des rebelles pacifistes qui visons à améliorer la vie des gens de manière concrète. Les données et les preuves sont au cœur de notre activité. Nos bureaux sont situés à La Haye, ville de la paix et de la justice.
Institut de La Haye pour l’innovation juridique
Tel: +31 70 762 0700
E-mail: info@hiil.org
www.hiil.org
AllWeb Agencе, Sofia, Bulgarie
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